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ENTRETIEN. Ilham Mouhriz 

  • Photo du rédacteur: Omar Layachi
    Omar Layachi
  • 4 oct.
  • 6 min de lecture

« Une entreprise est à l’image de ses leaders. Le leadership joue un rôle central dans la construction d’une culture d’entreprise attractive et durable : il ne s’agit pas seulement de valeurs affichées sur les murs ou sur les écrans, mais de les incarner au quotidien et de créer un environnement où les collaborateurs se sentent motivés, reconnus et responsabilisés. »


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Au Maroc, une nouvelle génération de talents aspire à plus de sens, d’inclusion et de perspectives dans son parcours professionnel. Pour Ilham Mouhriz, figure marocaine des ressources humaines reconnue à l’international, ces aspirations représentent une formidable opportunité de réinventer le monde du travail. À travers sa vision de l’évolution des pratiques RH, elle montre comment les entreprises peuvent transformer ces attentes en leviers de performance et d’attractivité. Un échange inspirant, en écho à la mission du label Next Gen Employer © : rapprocher les jeunes et les employeurs autour d’un avenir partagé.

 

Comment voyez-vous l’évolution de la fonction RH face aux mutations économiques, technologiques et sociétales actuelles ?

La fonction RH n’est plus ce qu’elle était : aujourd’hui, les DRH sont au cœur de la transformation des entreprises, en créant des expériences collaborateur engageantes et en repensant les façons de travailler. Avec le Future of Work, il s’agit d’attirer, développer et fidéliser les talents, en intégrant flexibilité, innovation digitale et attentes des nouvelles générations, tout en renforçant la marque employeur. L’inclusion, l’agilité et l’anticipation des besoins futurs sont désormais au centre de la mission RH.


En quoi la marque employeur est-elle devenue un levier stratégique pour attirer et fidéliser les talents ?

La marque employeur est devenue un levier stratégique car elle influence directement la capacité d’une entreprise à attirer et fidéliser les talents. En véhiculant une identité claire et des valeurs authentiques, elle attire les profils les plus motivés. Une promesse cohérente et une expérience collaborateur alignée permettent ensuite d’engager et de retenir ces talents sur le long terme. Aujourd’hui, le DRH joue un rôle clé en portant cette marque et en racontant la story telling de l’entreprise, transformant les collaborateurs en véritables ambassadeurs et renforçant la performance globale.


La Qualité de Vie au Travail est souvent présentée comme un facteur d’engagement. Comment la relier concrètement à la performance organisationnelle ?

La Qualité de Vie au Travail (QVT) est bien plus qu’un facteur d’engagement : elle est au cœur de la performance organisationnelle. Des collaborateurs épanouis, reconnus et soutenus sont plus motivés, créatifs et impliqués, ce qui se traduit par une meilleure productivité et une fidélisation accrue. Aujourd’hui, la crise du sens s’installe : le quiet quitting, la difficulté à attirer certains profils ou le refus de postes jugés peu valorisés révèlent que l’attractivité des entreprises repose autant sur la QVT que sur la rémunération.

Pour que la QVT devienne un levier concret de performance, il est essentiel de restaurer le sens, la participation et le dialogue collectif, en réinventant la promesse employeur autour de l’utilité sociale et de l’épanouissement au travail. Intégrée dans les pratiques managériales, la conception des postes et la flexibilité, la QVT devient alors un moteur durable de performance et d’innovation pour l’entreprise.


Quelles sont, selon vous, les attentes spécifiques des nouvelles générations de salariés vis-à-vis de leur employeur ?

Selon moi, les nouvelles générations recherchent du sens, de la flexibilité et des opportunités de développement. Dans mon expérience de DRH dans un secteur qui emploie massivement des jeunes et des profils IT, j’ai constaté que répondre à ces attentes passe par des pratiques concrètes du Future of Work : télétravail et horaires flexibles, programmes de formation continue et upskilling, adoption d’outils collaboratifs digitaux, et culture de feedback régulier. Ces initiatives permettent de créer des expériences collaborateur engageantes, de porter la marque employeur et de transformer les aspirations des talents en levier d’engagement et de performance durable.


Comment la digitalisation des processus RH transforme-t-elle la relation entre collaborateurs, managers et direction des ressources humaines ?

La digitalisation transforme profondément la relation entre collaborateurs, managers et RH. Dans le cadre d’un projet stratégique que nous avons mené, nous avons revisité l’ensemble du modèle RH pour simplifier l’expérience collaborateur, en adoptant des outils digitaux qui fluidifient le dialogue, accélèrent les décisions et personnalisent le suivi des compétences et des performances.

Cette transformation a permis aux RH de se concentrer sur la valeur stratégique : engagement, développement des talents, accompagnement des managers et renforcement de la marque employeur. La digitalisation ne remplace pas le lien humain, elle le rend plus pertinent et efficace, en rapprochant collaborateurs, managers et RH autour d’objectifs communs.


Quel rôle le leadership joue-t-il dans la construction d’une culture d’entreprise attractive et durable ?

Une entreprise est à l’image de ses leaders. Le leadership joue un rôle central dans la construction d’une culture d’entreprise attractive et durable : il ne s’agit pas seulement de valeurs affichées sur les murs ou sur les écrans, mais de les incarner au quotidien et de créer un environnement où les collaborateurs se sentent motivés, reconnus et responsabilisés. Plus la culture est forte et inclusive, plus les collaborateurs sont fiers de faire partie de l’entreprise. Comme le dit l’adage, on ne quitte pas une entreprise, on quitte des managers.

Dans mes différentes expériences, un leadership efficace se traduit par des rituels managériaux réguliers, du fun management et une proximité authentique avec les équipes, qui créent des liens solides, favorisent la confiance et renforcent l’engagement. Ces pratiques permettent de transformer les intentions en actions concrètes : reconnaissance, feedback régulier, développement des compétences et promotion d’une culture ouverte à l’innovation et à la flexibilité. Une culture forte, portée par des leaders engagés, devient ainsi un avantage compétitif durable pour attirer et fidéliser les talents.


Comment intégrer efficacement la diversité et l’inclusion dans la stratégie RH sans tomber dans une approche purement déclarative ?

La diversité et l’inclusion ne doivent pas rester des déclarations : elles doivent être intégrées dans les pratiques RH, avec des KPI mis en place, suivis et challengés en instances stratégiques. Recrutement équitable, rituels inclusifs et espaces de dialogue permettent d’en faire un levier concret de performance, d’innovation et d’engagement


Quelles compétences les entreprises doivent-elles dès aujourd’hui développer en priorité pour rester compétitives dans les années à venir ?

Pour rester compétitives dans les années à venir, les entreprises doivent développer un mix de compétences techniques, digitales et humaines. La maîtrise des outils numériques et de l’intelligence artificielle devient indispensable, et les entreprises doivent investir dès aujourd’hui dans le développement de ces compétences. Ces compétences doivent être complétées par des qualités relationnelles et comportementales : créativité, agilité, collaboration, pensée critique et capacité à apprendre en continu.

Le Future of Work impose de repenser les parcours et les modes de développement : investir dans l’upskilling et le reskilling, favoriser l’innovation et encourager l’autonomie. Les entreprises qui combinent maîtrise des technologies et intelligence relationnelle pourront transformer ces compétences en leviers de performance durable.


Quels défis particuliers les entreprises marocaines rencontrent-elles en matière de gestion des talents et de compétitivité RH ?

Les entreprises marocaines font face à des défis spécifiques en matière de gestion des talents et de compétitivité RH. Le marché est marqué par une concentration des talents dans les grandes villes et par une fuite des compétences à l’étranger, ce qui rend l’attraction et la fidélisation des profils qualifiés, notamment dans les secteurs technologiques et IT, particulièrement stratégique.

Les attentes des nouvelles générations : Flexibilité, développement des compétences et sens au travail ,obligent les entreprises à repenser leur proposition de valeur et leur marque employeur. Dans ce contexte, le Code du travail marocain doit évoluer pour soutenir ces pratiques, en permettant plus de flexibilité, de télétravail et d’adaptation des parcours professionnels. Investir dans l’upskilling, la culture managériale et la promotion de la diversité et de l’inclusion permet ainsi de retenir les talents, renforcer l’engagement et soutenir la compétitivité sur un marché local et international exigeant.


Si vous deviez imaginer la fonction RH dans dix ans, à quoi ressemblerait-elle ?

Dans dix ans, la fonction RH devra répondre à des défis démographiques, sociétaux et technologiques majeurs. Le phénomène appelé Silver Tsunami, c’est-à-dire le vieillissement massif de la population avec plus de 40 % de personnes âgées de 55 ans et plus, exigera des RH qu’elles conçoivent des parcours professionnels inclusifs pour toutes les générations et favorisent le transfert intergénérationnel des compétences.

Les crises climatiques, économiques et les migrations massives imposeront une vision stratégique et durable, où les RH anticiperont les talents et les besoins organisationnels à long terme. La fonction devra également prévenir l’isolement et la solitude, en renforçant la cohésion sociale et la santé mentale des collaborateurs.

Enfin, avec les générations Z et Alpha (Zalpha), marquées par des expériences communes inédites et une identité fluide dans les mondes digital et physique, les RH devront inventer de nouveaux modes de travail, d’engagement et de marque employeur, combinant technologie, inclusion et sens au travail. En résumé, la fonction RH de demain sera stratégique, agile, humaine et profondément connectée aux évolutions sociétales, transformant ces tendances en leviers de performance et d’attractivité durable.


MINI-BIO

Experte en ressources humaines, spécialisée dans la transformation organisationnelle et le positionnement de la marque employeur, Ilham Mouhriz cumule plus de 23 ans d’expérience passant par Capgemini, Foudevever, notamment. Elle a été entre autre DRH exécutive dans plusieurs entreprises internationales et nationales, elle est titulaire d’un Doctorat en Business Administration consacré au Future of Work . Reconnue en 2025 parmi les leaders RH les plus inspirants, elle s’engage activement pour l’inclusion des femmes dans le leadership et l’employabilité des jeunes.

 
 
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